Citation de Walker Evans à la fin de la rétrospective consacrée à ce photographe au Centre Pompidou (Paris, France, 26/04-14/08/2017) :
“Pour ceux qui le veulent, ou en ont besoin, une bonne exposition est une leçon pour le regard. Et pour ceux qui n’ont besoin de rien, ceux qui sont déjà riches en eux-mêmes, c’est un moment d’excitation et de plaisir visuel. Il devrait être possible d’entendre des grognements, des soupirs, des cris, des rires et des jurons dans la salle d’un musée, précisément là où ils sont habituellement refoulés. Ainsi, dans les expositions classiques, certaines qualités des images peuvent également être refoulées, voire totalement perdues.
J’aimerais m’adresser aux yeux de ceux qui sont capables d’apprécier pleinement la valeur des choses, sans être sujets aux inhibitions liées à la bienséance publique. Je veux dire ici, qu’avec un peu de chance, le vrai sentiment religieux peut parfois être éprouvé même dans une église et qu’il est possible de percevoir l’art ou de le sentir sur la cimaise d’un musée.
Ceux d’entre nous qui vivent grâce à leurs yeux – les peintres, les designers, les photographes, ceux qui regardent les filles – seront tout aussi amusés que consternés par cette demi-vérité : « Nous sommes ce que nous voyons » ; et par son corollaire : nos œuvres complètes sont, pour une bonne part, des confessions autobiographiques, impudiques et joviales, mais dissimulées par l’embarras de ce qui ne peut être dit. Pour ceux qui comprennent ce langage, il s’agit bien de cela. Nous ne savons simplement jamais qui se trouve dans notre public. Quand celui-qui-voit surgit pour examiner notre œuvre et qu’il saisit nos métaphores, nous sommes tout simplement pris en flagrant délit. Devrions-nous nous excuser ?”
Walker Evans – Boston Sunday Globe, 1er août 1971, p. A-61.
A quote by Walker Evans, at the end of the exhitition on this photographer at Centre Pompidou (Paris, France, 26/04-14/08/2017): “A good art exhibition is a lesson in seeing to those who need or want one, and a session of visual pleasure and excitement to those who don’t need anything — I mean the rich in spirit. Grunts, sighs, shouts, laughter, and imprecations ought to be heard in a museum room. Precisely the place where these are usually suppressed. So, some of the values of pictures may be suppressed too, or plain lost, in formal exhibition.
I’d like to address the eyes of those who know how to take their values straight through and beyond the inhibitions accompanying public decorum. I suggest that true religious feeling is sometimes to be had even at church, and perhaps art can be seen and felt on a museum wall; with luck.
Those of us who are living by our eyes — painters, designers, photographers, girl watchers — are both amused and appalled by the following half-truth: “what we see, we are.” And by its corollary: our collective work is, in part, shameless, joyous, autobiography-cum-confession wrapped in the embarrassment of the unspeakable. For those who can read the language, that is. And we never know just who is in the audience. When the seeing-eye man does turn up to survey our work, and does perceive our metaphors, we are just caught in the act that’s all. Should we apologize?”
Walker Evans – Boston Sunday Globe, August, 1st, 1971, p. A-61.